Ce billet conclut ma trilogie sur la thématique “gérer le temps”. Il aborde les limites des méthodes et – surtout – les outils que j’ai adoptés. Il fait également un bilan. L’enseignement le plus important que j’en tire est que les habitudes durent plus longtemps que les objectifs.
Dans mes précédents billets sur le sujet de la gestion du temps, on a parlé méthode et outils. J’ai attendu presque 7 mois après la mise en place de ma routine pour en faire un retour et un bilan. On va donc parler des choses que j’ai bien fait, de celles que j’ai loupées et de celles que j’ai changées. Buckle up, le temps de l’introspection est venu 🙂
Le charme secret de l’automatisation
Apprécier une journée sous la forme d’une succession de tâches, ordonnées par priorité et planifiées, n’a pas que des attraits. De prime abord, l’aspect « automatisé » peut rebuter. Je ne le voyais pas vraiment ainsi jusqu’à lire comment Perrine Signoret a tenté la morning routine d’influenceuse. (Je vous en recommande la lecture, c’est rafraîchissant et instructif.) En concluant sa semaine d’essai, elle dit :
La routine est chouette, mais pour la première fois, je ressens ce dont me parlait Paul Douard : cette sensation de faire les choses de manière un peu automatisée. Je n’en profite pas autant, c’est effectivement plus « robotique ». Je me demande si cette impression est vouée à rester, ou si elle ne survient que de temps en temps.
Cette perception est éminemment personnelle et subjective. Là où je vois un côté pragmatique et optimisé pour me libérer l’esprit des shallow tasks, d’autres voient une automatisation qui rend le tout moins spontané. J’ai toujours été une fan de l’automatisation : ai-je raté un truc ?
Suite à la lecture du billet de Perrine, je me suis questionnée sur ce qui prime pour moi. J’ai conclu que c’est l’aspect optimisé. En effet, il y a trop de choses qui m’intéressent et me passionnent. Comme j’ai 24h à disposition, j’ai toujours cherché à dégager toute activité superflue et chronophage. Ma veille et sa dissémination ? Automatisée au possible. La mise au propre des notes pour des billets, réunions, etc. ? Automatisée au possible. Si une machine peut le faire, alors je n’ai pas à m’en occuper : ce sont des shallow tasks.
Du coup, décider ce qui est une priorité et l’inclure dans une suite d’activités dont l’ordonnancement est pré-fixé est ma façon de me dégager l’esprit. On y reviendra.
Apprendre à ne pas créer de la dette
Cool mais ça reste quand même relativement contraint, non ? Certes, mais c’est la vie, on fait rarement absolument tout ce qu’on veut quand on veut 😉
Pour ce bilan, j’ai refait une itération sur ma réflexion du début. Je veux continuer à faire les trucs qui me plaisent (et, par dessus tout, je hais choisir…). Les faire implique bien trop souvent des activités incompatibles : je ne peux pas cuisiner et écrire ; je ne peux pas faire mes cosmétiques et lire ; je ne peux pas être constamment sollicitée cognitivement et me reposer.
Mon travail me demande beaucoup d’investissement intellectuel, aussi bien en matière de veille stratégique et d’analyse qu’en production de contenus. Même si mon travail est l’une de mes passions, j’ai d’autres passions. Celles-ci ont la fâcheuse tendance de se ressembler niveau réalisation. C’est là que ça devient compliqué : j’ai toujours 24h à disposition.
Vous aurez remarqué que je parle beaucoup de temps et d’amplitude horaire. Ce n’est pas (vraiment) une obsession, c’est un fait : nous n’en avons jamais assez, du temps. Ce serait pareil si on avait décidé que les jours seraient sur 48h et non pas sur 24h. Cette course permanente est signe d’une dette. Je m’explique.
Si je fais une ToDo de dingo aujourd’hui, soit je ne fais que ça, soit je ne parviens pas à tout compléter : j’ai créé de la dette, soit des tâches qui grignoteront sur le temps à venir. Je m’enferme donc dans un cycle de course permanente, c’est décourageant et pénible. Normalement, si on a bien fait sa méthodo, on sait ce qui a vraiment de l’importance, quelles sont nos priorités et comment elles sont déclinés en objectifs.
D’autres leviers pour éviter de créer de la dette : apprendre à dire « non » et à déléguer. Comme mon ancien chef disait : undercommit and overdeliver.
La gourmandise de performance crée de la dette
J’ai presque fini de payer ma dette de 2019. Je reprends doucement l’écriture et la lecture ; je reprends mes activités perso et sportives.
J’ai aussi failli m’avoir à recommencer à créer de la dette : mon outil de gestion des tâches était configuré à 10 tâches par jour. Je notais beaucoup de choses (grosso-modo, dès que ça prend 30 min ou plus). Donc, j’ai vite « surperformé » en cochant 13-15 tâches sur 10. Du coup, j’ai mis mon objectif quotidien à 14 tâches. En parallèle, je me suis occupée à peaufiner ma définition de tâche (les priorités !) et à être encore plus rigoureuse sur l’impact que ça a sur moi.
Surprise sur prise : je ne parvenais plus à cocher mes 14 tâches journalières ! J’avais mal qualifié les priorités et l’énergie soudaine qui me donnait des ailes s’est transformée en gourmandise. Alors, au bout de 3 semaines à finir mes 14 tâches difficilement et à en être frustrée et à chercher, lors de la revue hebdo, le pourquoi, je suis descendue à 12. Et je les maintiens jusqu’à aujourd’hui, ça me convient.
Ce que j’ai appris aussi, c’est que repayer la dette me concerne. On ne se remet pas d’aplomb sans prendre du temps pour soi.
J’ai également revu ce qui me pollue : les shallow tasks et l’incomplet. Seules deux shallow tasks persistent parce que je n’ai pas encore trouvé comment les automatiser ; elles ne me prennent que 10 min par jour, par contre. L’incomplet est plus aléatoire : des conversations à avoir de visu, des choses à finir dépendant de tiers, etc. Ainsi, pour éviter la pollution de l’incomplet, j’abuse du rappel de Todoist après avoir découpé une tâche globale et noté uniquement les aspects qui dépendent de moi.
Maîtriser ce que je peux maîtriser
A différents moments, je me suis questionnée si mon côté control freak perfectionniste pointait son nez. Mais savoir dire « non » ou arrêter quand l’énergie investie dépasse le retour indiquent que tout reste dans des proportions saines. La maîtrise n’est pas le contrôle. Et je préfère la subtile intelligence de la maîtrise à l’aveuglement rigide du contrôle.
Alors, je maîtrise mes sentiments et réflexions, mon dialogue intérieur… et la plupart des distractions. Pour dire un truc construit, j’écris un mail. Pour lire, écrire ou commenter un document, je coupe la messagerie instantanée. Si je veux structurer mes pensées, j’éteins l’ordi et je fais des schémas, je note des pensées et questions sur un cahier.
De même, j’ai arrêté le multitasking permanent. Je me le permets seulement si je fais des activités aux dynamiques distinctes : écouter un livre audio/un podcast en faisant du vélo/aquabike ou en cuisinant ; écouter de la musique sans paroles en écrivant ; etc. Les smartphones ont des limitations journalières de notifs et de temps passé sur les applis.
Plus haut, je disais que ma ToDo contient toute tâche qui prend minimum 30 min. Ces tâches sont priorisées, l’idée étant que ma journée ne finit pas tant que tout ce qui est P1 n’est pas complété. J’ai peu de tâches P1, sinon ce serait une création de dette perpétuelle 😉
L’important est que si une tâche prend minimum 30 min, je ne fais que ça pendant ces 30 min. Si je gère mes mails, je ne fais que ça, pas en réunion ou sur Twitter en même temps ; etc. Cette approche (que d’autres ont également discuté) me permet de sauver la chèvre et le chou : je ne saute pas d’un sujet à l’autre et je ne suis pas non plus à semi-rêvasser pendant des heures sur l’avenir du futur.
Les habitudes durent plus longtemps que les objectifs
Alors, j’ai appris quelques petites choses que je vous partage (même si elles me paraissent évidentes, ça peut servir) :
- L’objectif d’une gestion du temps et organisation des tâches est de ne pas se faire bouffer par de l’obligatoire et de se laisser du temps pour soi. C’est normal que de dédier du temps à la mise en place et à l’amélioration d’une méthodo et de son implémentation via des outils. La bonne nouvelle est que ça demande de moins en moins d’efforts avec le temps. C’est aussi un signe que l’approche élaborée et adoptée vous convient. Je rappelle : on ne devient pas esclave à une approche exogène qui exige un changement radical de comportement.
- Les méthodes et outils changent, tout comme nous. Et inversement 😉 Une approche d’organisation convient mieux à certains projets que d’autres. Ce qui marchait pour moi quand j’étais en thèse est trop lourd et trop énergivore à maintenir aujourd’hui. Ainsi, je ne fais plus de GTD et je ne m’attelle pas systématiquement faire du SMART. J’en ai gardé ce qui me paraît le plus pertinent, je me suis autorisée beaucoup de flexibilité et j’ai exploré pour mieux changer.
- Je ne suis plus stressée et j’arrive à sereinement maintenir le cap. Autrement dit, même si j’ai encore de la dette à éponger, je n’en crée pas de nouvelle. Mes journées sont équilibrées (même si je ne suis pas revenue à 14h de sport par semaine, j’en fais autrement et ça me plaît assez en l’état). De moins en moins de choses me préoccupent et me bouffent l’énergie. Je ré-apprends à donner de la valeur à ce qui est accompli. Finalement, je prends l’habitude à être bien 🙂
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