La LOPPSI (Loi d’Orientation et de Programmation pour la Performance de la Sécurité Intérieure) est bientôt de retour au Sénat ! Le filtrage d’Internet est donc à l’ordre du jour…
Cette loi prévoit ce que l’on peut appeler avec le terme générique « filtrage d’Internet ». Pour comprendre, on se devrait de répondre d’abord à la question : qu’est-ce le filtrage ? Il s’agit de tout empêchement d’un contenu d’atteindre un ordinateur personnel au moyen d’un logiciel qui scrute le flux entrant. Un exemple classique (et par ailleurs, celui du premier filtrage réalisé, si on peut dire) est le cas du fliltre anti-spam. Et la difficulté de mettre en place un tel filtre infaillible démontre très bien la difficulté de créer un filtre pour des contenus en provenance d’Internet en général.
Ici, je ne parle pas de la limitation que chaque utilisateur utilise lors de sa navigation. Il s’agit dans ce cas d’un filtre personnel et volontaire. La question du filtrage d’Internet est autre : il s’agit du fait qu’un fournisseur de services (FAI, votre entreprise qui fournit l’accès au travail, etc.) peut décider de limiter un type de contenus donnés, à sa convenance, pour tous les utilisateurs bénéficiant de ses services. Quand on lit ça, 2 questions surgissent naturellement : qui décide que filtrer ? comment on fait techniquement ?
Dans un pays démocratique où pouvoirs législatif et décisionnel sont séparés et indépendants par définition, seul un juge peut décider si un contenu est légal ou non. Donc, seuls les représentants de la justice sont en mesure d’indiquer ce qui peut être filtré. Or, la façon dont fonctionne le système juridique d’un pays (et celui de l’UE d’ailleurs) est incompatible avec la rapidité à laquelle se développe Internet et la vitesse et le dynamisme de création et évolution des contenus. Par conséquent, les pouvoirs judiciaires participent rarement efficacement à ces questions. Sur le « comment faire » : la solution la plus fréquente est de créer des listes noires (black lists) et d’y inclure les sites ayant été jugés illicites ; l’accès à ces derniers est donc empêché par le fournisseur de services.
Autant certains vont vous dire qu’il faut interdire le libre accès à des sites à caractère pornographique, autant d’autres vont le faire pour le bien de l’État… Ainsi, comme je le relatais ailleurs, un pays comme la Chine censure l’Internet et un autre pays telle la Russie souhaite créer un moteur de recherche de l’État.
Ainsi, en quelle mesure le prétexte de limiter l’accès plus ou moins accidentel à des sites pédo-pornographiques constitue un prétexte, un glissement, vers la censure de l’expression libre ? Parce qu’il s’agit de ça au fond : pouvoir écrire et rendre publique ce que j’écris est possible parce qu’il n’y a pas un agent de l’État chargé à surveiller que la subversion ne se développe. L’Internet est décentralisé et ne souffre aucun contrôle de type gouvernemental. Mais jusqu’à quand ?
Depuis 2008, le gouvernement travaille pour l’adoption d’une loi de filtrage de l’Internet : la LOPPSI. Si nous sommes tous occupé(e)s par le feuilleton HADOPI, la loi LOPPSI ne cède pas : selon un décret du 27 juillet 2010, elle sera revue en session extraordinaire sénatoriale le 7 septembre 2010. La liste des lois à discuter ce jour est longue, mais la LOPPSI a l’honneur de figurer en 4e position, directement derrière la loi sur les retraites…
Ayez confiance : les méchants, c’est les autres…
Image : Three Wise Monkeys,Tosho-gu Shrine, licence : CC-by-SA 2.5